Les débuts de Emil Schulthess en photographie
Les grands photographes ne naissent pas avec un appareil entre les mains. Ils le deviennent par passion, observation et persévérance. C’est particulièrement vrai pour Emil Schulthess, figure majeure de la photographie en Suisse, dont les débuts, aussi discrets qu’inspirés, marquent les fondations d’une carrière exceptionnelle.
Comprendre les débuts de Emil Schulthess en photographie, c’est remonter aux origines d’une vocation, aux années de formation et aux premières expérimentations visuelles qui annonçaient déjà un regard singulier.
Cet article vous propose d’explorer les premières étapes de son parcours, entre formation en photographie, influences formatrices et premiers travaux photo, jusqu’à ses premiers pas vers la photographie panoramique aérienne, qui deviendra sa signature.
Les années de formation : un regard en construction
Avant d’être photographe, Emil Schulthess était un observateur. Né en 1913 à Zurich, il grandit dans un environnement alpin où la lumière, les formes et les paysages façonnent inconsciemment son futur langage visuel.
Une formation en photographie technique et artistique
La formation photographie de Schulthess ne suit pas une voie académique stricte, mais plutôt un apprentissage sur le terrain. Il étudie tout d’abord les arts graphiques et travaille dans des ateliers de retouche et de reproduction, où il affine son œil et sa rigueur technique. Cette étape est essentielle : elle lui permet de comprendre non seulement la capture d’image, mais aussi son traitement, sa valeur esthétique et sa puissance narrative.
Dans les années 1930, alors que la photographie en Suisse est en plein développement, Schulthess commence à expérimenter différents formats et techniques. Il s’initie aux subtilités du cadrage, de l’éclairage et des contrastes, tout en observant les grands maîtres européens du moment.
Premiers essais personnels
Très tôt, Schulthess montre un goût pour l’expérimentation. Ses premiers travaux photo sont centrés sur les paysages suisses, les scènes urbaines et les portraits, avec une volonté constante de dépasser le simple enregistrement. Il cherche à transmettre une émotion, une ambiance, une perspective.
Ses images se caractérisent déjà par une attention extrême à la composition. Il photographie la montagne, les ciels, les reflets, les lignes architecturales. Ce sont les bases de ce qui deviendra, des années plus tard, son style personnel.
Premiers travaux professionnels et reconnaissance émergente
Après ses années de formation et d’expérimentation personnelle, Emil Schulthess entre dans une phase plus affirmée de sa carrière. Il commence à diffuser ses images au-delà du cercle privé, attirant l’attention du public et des éditeurs. C’est aussi à cette époque que son regard s’affûte, se structure et gagne en ambition.
Collaborations éditoriales
Au début des années 1940, Emil Schulthess commence à publier ses images dans des magazines et revues illustrées, en particulier ceux qui diffusent la photographie en Suisse auprès du grand public. Ces collaborations sont décisives : elles lui permettent de se confronter aux attentes d’un lectorat, d’adapter son style tout en affirmant son originalité.
Son travail attire l’attention par sa clarté visuelle, la puissance de ses compositions et l’intelligence du regard. Il maîtrise aussi bien le noir et blanc que la couleur, qu’il commence à explorer à une époque où elle reste encore peu exploitée dans la presse.
Les premiers projets personnels
Durant cette période, il développe également ses premiers travaux photo à titre personnel. Ces images ne sont pas encore destinées à la publication, mais elles révèlent un regard de plus en plus audacieux. Schulthess photographie la Suisse sous des angles inattendus, souvent en altitude, cherchant déjà à capter l’essence d’un territoire par la hauteur et l’espace. Ces explorations visuelles poseront les fondations de ses projets majeurs et réalisations à venir, notamment ses grandes publications qui marqueront l’histoire de la photographie panoramique.
Vers une signature visuelle affirmée
Avec ses premiers clichés personnels, Emil Schulthess pose les jalons de son identité photographique. Il ne cherche pas seulement à documenter un lieu, mais à en révéler l’immensité, la géométrie et le souffle. La montagne, la lumière, le ciel : tout devient matière à explorer, bien au-delà de l’anecdote.
Dans ces années d’après-guerre, alors que la photographie en Suisse évolue vers une reconnaissance artistique plus forte, Schulthess s’impose progressivement comme une voix singulière dans le paysage visuel national.
L’expérimentation aérienne : naissance d’une révolution visuelle
À la fin des années 1940 et au début des années 1950, Emil Schulthess commence à expérimenter ce qui deviendra sa spécialité : la photographie panoramique aérienne. Ce nouveau terrain d’exploration va marquer un tournant décisif dans sa carrière et dans l’histoire de la photographie suisse contemporaine.
La quête du point de vue absolu
La photographie panoramique aérienne permet à Schulthess de repousser les limites du regard humain. À bord d’avions, de dirigeables ou d’hélicoptères, il multiplie les essais techniques pour capter l’essence des paysages depuis le ciel.
Cette approche implique une maîtrise technique impressionnante : gestion de la lumière en altitude, cadrage depuis un espace mobile, adaptation du matériel. Schulthess développe un savoir-faire unique qui l’amènera à collaborer avec des ingénieurs et des pilotes pour perfectionner ses prises de vue.
La Suisse vue du ciel
C’est en photographiant la Suisse depuis les airs qu’il forge véritablement son langage. Les vallées, les chaînes de montagnes, les lacs, les villes : tout est saisi avec précision, poésie et ambition graphique. Ce regard sur le pays fascine. Il révèle une Suisse à la fois familière et méconnue, captée sous un angle spectaculaire et presque abstrait.
Ses premières images aériennes font l’objet d’expositions et attirent l’attention de maisons d’édition, notamment Atlantis Verlag à Zurich, qui publiera plusieurs de ses ouvrages majeurs.
Les premiers livres photographiques : de l’image fixe au récit visuel
L’étape suivante dans la carrière de Schulthess est l’édition. Plus qu’un simple photographe, il devient auteur d’ouvrages où l’image est pensée comme un récit structuré, immersif et sensoriel.
"Die Schweiz" : un manifeste visuel
Paru en 1954, Die Schweiz est le premier grand livre de Schulthess. Il condense ses années d’expérimentations suisses, notamment en photographie panoramique aérienne, en un ouvrage qui marquera durablement la perception du territoire.
Le livre propose une lecture renouvelée de la Suisse, loin des clichés pittoresques. À travers de vastes panoramas, des perspectives inédites et une mise en page innovante, Schulthess impose un style mêlant rigueur documentaire et esthétique de l’ampleur.
L’impact des publications internationales
Fort du succès de ses premiers livres, Schulthess élargit ensuite son champ d’action à d’autres régions du monde : Afrique, Asie, Amérique du Sud. Mais c’est bien en Suisse que tout a commencé — un laboratoire visuel qui lui a permis de développer ses techniques, son écriture et sa vision.
Héritage des débuts : un style toujours reconnaissable
Les débuts de Emil Schulthess en photographie ont posé les bases d’une œuvre cohérente, ambitieuse et profondément marquée par la quête du sublime visuel. Sa capacité à révéler l’espace, à structurer le paysage et à magnifier le réel reste une source d’inspiration pour de nombreux photographes contemporains.
Caractéristiques fondatrices de son style
- Précision géométrique : Schulthess compose ses images avec une rigueur digne d’un architecte.
- Recherche du point de vue parfait : il expérimente sans relâche pour trouver l’angle qui révèle.
- Intégration du mouvement : dès ses débuts, ses images intègrent une dynamique qui guide l’œil.
- Narration par la série : même ses premiers travaux personnels sont pensés comme des séquences visuelles.
Influence sur la photographie suisse
Les premiers pas de Schulthess ont contribué à valoriser la photographie en Suisse comme discipline artistique à part entière. À une époque où l’image était encore souvent reléguée à un rôle technique ou journalistique, il a prouvé que la photographie pouvait être récit, sensation, immersion.
Aujourd’hui, de nombreuses institutions suisses — musées, écoles, galeries — reconnaissent l’importance de cette période fondatrice. Les archives de Schulthess sont régulièrement étudiées et exposées, et son travail reste un point de repère pour quiconque s’intéresse à la photographie panoramique aérienne et à la représentation du territoire.
Emil Schulthess n’a pas seulement photographié la Suisse : il l’a révélée sous un jour nouveau, ouvrant la voie à toute une génération d’artistes de l’image.
- Emil Schulthess débuts : autodidacte passionné, il a bâti son regard à force de curiosité, d’essais et de rigueur.
- Formation photographie : une approche terrain, hybride entre graphisme, retouche et prise de vue.
- Premiers travaux photo : un style déjà structuré, sensible au cadrage, à la lumière et à la narration visuelle.
- Photographie panoramique aérienne : une voie d’expression novatrice, née de ses premières expérimentations suisses.
- Photographie en Suisse : Schulthess en est l’un des ambassadeurs les plus puissants, ayant contribué à l’élever au rang d’art majeur.